LOI EGA : DECRYPTAGE DU VOLET ECO

 

Adoptée le 2 octobre, la loi EGalim devrait entrer en vigueur autour du 1er mars, avec pour objectif une meilleure répartition de la valeur tout au long de la chaîne alimentaire, en commençant par les producteurs, les plus affaiblis après des années de guerre des prix entre les acteurs de la grande distribution.
Grand chantier du début du quinquennat d’Emmanuel Macron, les Etats généraux de l’alimentation ont donné lieu à une loi « pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable », couramment appelée Egalim et adoptée par l’Assemblée nationale le 2 octobre.

Cette Loi portant sur l'agriculture et l'alimentation devrait entrer en vigueur le 1er mars 2019, après une publication vers la mi-novembre, estime le cabinet Fidal, spécialiste en droit des affaires, à l’occasion d’un décryptage du titre I organisé par l’Afja, le 23 octobre.  Le texte entend répondre à deux grands objectifs : mieux répartir la valeur, en particulier vis-à-vis de l’amont de la filière, et casser la guerre des prix entre les enseignes de la grande distribution, une guerre des prix longtemps perçue comme bénéfique au consommateur, mais qui est à l’origine d’une telle destruction de valeur que certaines filières de la production subissent depuis plusieurs années une crise quasi permanente.

Inversion de la construction du prix

Pour y parvenir, la loi met en place des mesures pour inverser le mécanisme de la construction des prix alors que le marché agroalimentaire fonctionnait jusqu’à présent à rebours, avec des marges déterminées par la distribution. La contractualisation est désormais généralisée, et non réservée à certaines filières et surtout, ce sont les producteurs qui devront être à l’initiative du contrat, soit eux-mêmes, soit via leurs organisations de producteurs (OP) ou associations d’organisations de producteurs (AOP). Ces dernières concluent un accord cadre avec le premier acheteur, accord qui comprend des clauses a minima. Dans tous les cas, la construction du prix doit répondre à trois principes. Premièrement, il doit prendre en compte « le coût pertinent de production en agriculture », à travers des indicateurs définis par les interprofessions. Le deuxième critère concerne les marchés aval, avec des indicateurs de prix liés à la valeur du produit sur le marché de destination. Enfin, le troisième critère a trait aux caractéristiques du produit (composition, qualité, traçabilité, etc.).

Répercussion à l'aval

Ce mécanisme nouveau de construction du prix doit pousser les producteurs à se regrouper davantage face à une distribution française très puissante et très concentrée. Si le principe est de laisser les filières s’organiser pour qu’elles puissent prendre en compte leurs particularités propres, la contractualisation peut néanmoins être rendue obligatoire par décret ou par accord interprofessionnel. Pour le cabinet Fidal, si le droit n’arrivera jamais à équilibrer totalement le rapport de force dans une négociation commerciale, cette logique de construction est une « saine avancée ». En outre, des modalités de transparence ont été imposées pour que les OP et AOP puissent vérifier ce que fait l’acheteur (dans le cas d’un accord cadre), ce dernier devant communiquer ses factures à l’OP ou AOP. Sur le principe des prix en cascade, pour une meilleure répartition de la valeur, le contrat de vente par l’acheteur doit aussi prendre en compte des indicateurs qui ont participé à la construction du prix en amont. Tous les secteurs sont concernés par cette nouvelle relation de contractualisation, à l’exception de l’industrie betteravière, et des coopératives (les relations entre coopératives et coopérateurs feront l’objet d’une ordonnance propre, attendue dans les six mois après la publication de la loi).

Une clause de renégociation plus musclée

La clause de renégociation a par ailleurs été revue pour être plus efficace. Car si auparavant, les deux parties devaient renégocier, elles n’avaient pas l’obligation de conclure à un accord, et elle ne concernait que certains produits identifiés sur une liste. Dorénavant, tous les produits agricoles et alimentaires seront ajoutés à cette liste. Elle est déclenchée en cas de fluctuations « significatives » des prix des matières premières agricoles et alimentaires et, depuis la loi EGalim, des prix de l’énergie. Le délai de renégociation, qui était de deux mois, est ramené à un mois. Il faut par ailleurs noter que le Médiateur des relations commerciales agricoles devient incontournable en cas de conflit (il étudie contrats types, peut saisir le ministre de l’Economie, etc…).

Seuil de Revente à Perte  &  Encadrement des Promotions

Des ordonnances sont également attendues pour préciser le titre I. La première concerne le relèvement du seuil de revente à perte (SRP) et l’encadrement des promotions. Le prix effectif, qui correspond au prix d’achat dont on a déduit les marges arrière, et auquel on a réintégré les taxes spécifiques au produit, la TVA, et ajouté le prix du transport, sera donc majoré de 10 %. Cette mesure a un double objectif : éviter une guerre des prix sur les produits où le niveau de marge est extrêmement faible, et créer un niveau de marge minimum avec l’idée que cela devrait pouvoir au final bénéficier aux producteurs. « Tout cela reste extrêmement dépendant de la manière dont les acteurs vont se servir du texte et dont ils vont l’appliquer », commente le cabinet Fidal. Car le texte ne peut pas éviter un effet pervers potentiel : certains acteurs de la distribution, pour vendre toujours au même prix tout en appliquant le relèvement du SRP, pourraient décider de faire pression sur leur fournisseur. En revanche, la logique du Name and Shame pour dénoncer les acteurs qui ne jouent pas le jeu pourrait être efficace. Cette ordonnance doit être publiée dans les quatre mois après promulgation de la loi. D’autre part, l’ordonnance encadre les promotions de deux façons. En valeur, elles ne devront pas dépasser 34 % du prix de vente, avec une difficulté, précise le cabinet Fidal : il faudra cumuler dans ces promotions les remises du distributeur et celles du fournisseur, qui a sa propre politique. Deuxième seuil d’encadrement des promotions, le volume, limité à 25 %. A noter, enfin, que le terme « gratuit », ne sera plus utilisé.

Sanctions et prix abusivement bas

La loi muscle déjà les sanctions possibles en cas de non-respect du nouveau processus de construction des prix, avec des amendes administratives pouvant aller jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires du dernier exercice clos (HT). Une troisième ordonnance aura comme dispositif phare l’interdiction de céder à un prix abusivement bas. Ce dispositif, qui existe déjà dans certains cas mais n’est jamais utilisé, sera simplifié pour être applicable à tous les produits agro-alimentaires. Si les contours de cette ordonnance sont encore flous, la définition de ces prix abusivement bas devrait prendre en compte les indicateurs de prix de production. Un certain nombre d’outils nouveaux sont donc à disposition de la filière agro-alimentaire qui doit s’en saisir pour une meilleure répartition de la valeur. Ils seront complétés par les mesures du Titre II, davantage tourné vers l’alimentation saine et durable, et qui doit quant à lui renforcer la création de valeur en facilitant l’adaptation de l’offre aux attentes sociétales.

CARTE MOISSON

 

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